Combien de temps dure le présent ?, s'interroge Stefy Loret de Mola, l'une des artistes invitées pour cette nouvelle édition imprimée de JOIA, dans l'une de ses séries. La réponse est « très peu », car chaque fois que l'on vit le présent, l'instant présent, il est déjà passé, ou plutôt, il fait partie d'une création d'unités temporaires qui se sont mêlées à l'espace et ne reviendront jamais.
Faisant fi du sentiment de nostalgie qui peut naître en pensant à ce passage incessant du temps (nous avons déjà 14 ans !) et conscients de la probable inexistence du présent au profit d’une traversée de plans qui ne s’arrête jamais, chez JOIA nous ouvrons de nouvelles voies d’exploration graphique et conceptuelle, nous avançons, avec différents points de fuite, dans une structure en rhizome où chaque partie est importante pour le reste des composants – que nous sommes l’équipe et vous.
Dans cette couverture innovante, le numéro 61 occupe une place centrale et, à son tour, englobe tout le contenu, avec le logo habituel en relief. Après cet effet tactile, le peintre Christian Rex Van Minnen ouvre l'édition avec ses œuvres à la fois criardes et séduisantes, formant une harmonie discordante précédant les images de rue de Naples réalisées par Sam Gregg, où brutalité et sensibilité se conjuguent. Une nécessité pour survivre dans un environnement marqué par la mafia, la précarité et la religion.
Ce moment brut repose sur les designs plus proches de la dystopie que du réalisme d'Obby & Jappari, qui ne limitent pas leurs explorations visuelles à trois, deux ou les dimensions nécessaires, ou à certains formats pour obtenir l'effet et le message souhaités. . Après avoir parcouru cet univers, le photographe Felipe Romero nous ramène à la réalité, à la gravité d'établir des définitions de corps migrants qui ne sont ni tangibles ni compréhensibles même pour l'objet même d'étude qui reçoit leur impact, leur préjugé.
C'est encore le format photographique, et Juan Brenner en l'occurrence, qui nous guide et nous confronte à l'histoire la plus crue de notre continent, qui, suite à l'arrivée des colons en quête d'or, a transformé ce matériau en un matériau précieux pour les prothèses dentaires de ses habitants. Ici, avec les dessins de Stefy Loret de Mola, nous revenons au début de cet écrit, à l'interrogation des pensées, des sensations et des phénomènes qui nous entourent et que nous devons démêler pour les traduire en une léthargie qui nous aide à mieux nous comprendre.
Julien Boudet vient rompre cet état réflexif avec des photographies influencées par tout ce qu'il a vu (et digéré) enfant sur les rives de la ville française de Sète : voitures, marques de vêtements de sport, baskets ou sacs dont on ne saura jamais s'ils sont authentiques. Le contenu monte en puissance avant de se clôturer avec des peintures de chiens « mignons » de Robert Roest qui ne seraient pas exactement celles que vos grands-parents accrocheraient dans leur salon.
La dernière histoire est racontée par Mike Brodie à travers une série de photographies prises lors de ses voyages à travers les États-Unis à bord de trains de marchandises. Les blessures de « guerre » des policiers nous rappellent que machines et humains ne font pas bon ménage, mais que, paradoxalement, ces machines ont aussi été construites par des humains…
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Contenu tiré de Joia